Cet instant-là de Douglas Kennedy, Ed. Belfond

 

Le narrateur, Thomas Nesbitt la cinquantaine, est un écrivain à succès. Il est en instance de divorce et vient d’acheter une petite maison isolée dans le Maine.

Un matin lui arrive un paquet en provenance de son éditeur, contenant une enveloppe postée à Berlin. Découvrant le nom de l’expéditeur « Dussmann » son cœur s’emballe : Elle !... Petra Dussmann, son grand amour de jeunesse. Le passé profondément enfoui le submerge soudain. Il nous embarque avec lui.

25 ans plus tôt, en 1984, (il a 26 ans), délaissant sa petite amie américaine qui lui propose une « petite vie paisible » (pour lui synonyme d’enfermement), il part pour Berlin avec une commande de son éditeur : écrire une fiction réelle sur cette ville « centre de gravité idéal pour un observateur prêt à explorer les secrets d’une métropole, à la fois résolument moderne et confite dans un hideux passé, et côtoyant quotidiennement la morosité monochrome du système communiste ».

Dans l’avion il est assis à côté d’une femme née en RDA, fille d’un dirigeant du parti,  qui lui raconte comment elle a pu quitter, in extrémis, le côté Est de Berlin, avant la construction du mur, abandonnant tout. Elle termine en disant « vous allez voir que les bonnes histoires ne manquent pas ici. A vous d’être assez malin pour distinguer celles qui sont authentiques de celles que ne sont que du vent ». Tout cela en survolant le mur, construction longue et sinueuse, imposante, austère et définitive… Nous sommes dans l’ambiance.

Dès son arrivée il va passer une journée à l’Est, très impressionné par l’austérité ambiante, cette sensation d’interdits et de menaces, d’immersion dans la paranoïa d’un état policier. Chaque jour il note ce qu’il voit et ce qu’il ressent, pour préparer son livre.

Dans le froid et les bourrasques de neige, il cherche une chambre à l’Ouest dans une zone difficile, pour bien s’imprégner des rythmes particuliers de cette ville. Ce sera le quartier de Kreutzberg longeant le mur : « ici par de chic, pas de bon goût, c’est la marge, l’hétéroclite, la véritable bohème ». Un artiste peintre original, drogué et homosexuel, cherche un co-locataire. Ce sera lui. Alistair est un peintre de talent, personnage fascinant, un beau portrait à dépeindre dans son prochain ouvrage.

Pour gagner sa vie Thomas sera pigiste à Radio-Liberty, une radio américaine émettant en anglais et en allemand, et exclusivement destinée aux auditeurs de RDA. C’est dans les studios qu’il va croiser Pétra, la trentaine, traductrice, incroyablement belle, d’une beauté exprimant une profonde intelligence, une fragilité touchante, une grande détermination et une extrême solitude. C’est le coup de foudre réciproque.

Ils vont vivre ensemble une immense passion. Pétra est plutôt secrète au début et parle peu de son passé que Thomas imagine douloureux. Petit à petit elle commence à se confier : elle vient de RDA et a servi de monnaie d’échange entre les deux zones car elle pouvait donner des informations sur les méthodes utilisées par la Stasi pour faire parler les prisonniers. Elle était mariée à un opposant au régime qui l’a dénoncée comme complice et avait un fils d’un an qui lui a été enlevé au moment de son emprisonnement. Elle s’est juré de le reprendre, mais son drame actuel est de n’avoir aucune photo de lui. N’écoutant que son courage Thomas propose d’aller les lui chercher à l’Est malgré le danger.

Ces quelques mois de vie commune renforcent Thomas dans l’idée qu’il a enfin trouvé un amour vrai, absolu et partagé. Il propose à Pétra de l’épouser de l’emmener en Amérique. Mais l’impensable va se produire qui va laisser Thomas abasourdi, sonné et obligé de rentrer à New-York.

L’enveloppe envoyée à Thomas contient le journal de Pétra et la révélation de sa véritable histoire …

Excellent thriller psychologique, roman historique et roman d’amour, qui nous  plonge dans cette période terrible de l’Histoire. Les descriptions et sensations sont tellement précises qu’on a l’impression de les vivre en même temps que le narrateur.

Histoire captivante, réflexions profondes sur le sens de nos choix et de l’instant qui peut tout bouleverser dans une vie.

L’auteur connaît parfaitement Berlin, son personnage lui ressemble, il a avoué que c’était son roman le plus personnel.

Annick D. 

Comments

[Fabienne M.]

Excellent roman en effet, qui m'a laissée pantelante.


Parmi les principaux personnages, je crois qu'il faut citer aussi le Mur. Je trouve que la psychologie des personnages comme l'atmosphère des lieux sont influencées par ce Mur.


Mur qui donne toute sa coloration au roman. Couleur grise et oppressante dans laquelle nous enferme l'auteur.