Gallimard, coll. Continents Noirs, 240 p., 2012.
Nous sommes au Rwanda au début des années 1970
Notre dame du Nil c’est d’ abord une vierge noire dont la statue a été érigée par les colons belges près des sources du Nil à 2500 mètres d’altitude et c’est aussi un pensionnat catholique situé à proximité.
C’est dans ce lieu isolé à l’écart du monde que - ministres, militaires haut gradés hommes d'affaires envoient leurs filles pour y recevoir une éducation prestigieuse francophone dispensée par des coopérants français et des religieuses belges. C’est là qu’elles deviendront les futures élites du pays « l avant-garde de la promotion feminine » et puis loin des tentations de la capitale Kigali les parents peuvent espérer qu’elles conserveront leur virginité jusqu’au mariage négocié par les familles
Dans le huis clos de ce lycée les jeunes filles vont vivre leur vie de pensionnaires au gré des amitiés et jalousies propres à leur age
Mais ce huis clos est aussi le reflet de la société rwandaise. Veronica et Virginiasont le plus souvent exclues, brimées, victimes de cabales insidieuses car elles sont Tutsi et minoritaires. Elles ne sont là que grâce à une politique de quotas qui impose leur présence.
Elles sont les souffre-douleur de Gloriosa fille de ministre Hutu qui lentement va distiller sa haine des Tutsi Lentement la tension monte sous l’œil embarrassé et gêné des religieuses et des coopérants, et lorsque le lycée sera encerclé par les soldats Hutu ce sera le drame.
Roman très vivant, très instructif sur la situation du Rwanda. C’est aussi un roman très caustique et parfois très drôle : la visite de la reine Fabiola (qui ne restera que trois minutes) la venue d'un professeur français hippie dont les cheveux longs seront perçus comme une menace à l'ordre moral du lycée, les acrobaties de la mère supérieure pour accepter la nuit d’amour qu’une de ses pensionnaire va passer avec son fiancé « monsieur l’ambassadeur ». Ce roman qui est passé un peu inapercu lors de sa sortie méritait bien le Prix Renaudot 2012
Scholastique Mukasonga, issue de l’ethnie des Tutsi, est née au Rwanda en 1956, et dès l'enfance elle connait la violence et les humiliations des conflits ethniques qui agitent son pays. En 1973, l'auteure doit s'exiler au Burundi et elle s'établit en France en 1992.
Marie-Claude L.